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14 juin 2014 6 14 /06 /juin /2014 09:46

Le Monde.fr | 14.06.2014 à 09h26 • Mis à jour le 14.06.2014 à 09h44 | Propos recueillis par Bastien Bonnefous et Nicolas Chapuis

Trois semaines après sa lourde défaite aux élections européennes, le PS tient samedi 14 juin à Paris son conseil national. L'occasion pour le parti de débattre de la politique menée par l'exécutif. Un débat dans lequel l'aile gauche du PS et son leader, Emmanuel Maurel, comptent peser.

4438205_6_fc17_emmanuel-maurel-vice-president-ps-du_dd62870.jpgQuel message comptez-vous faire entendre au sein du PS ?

Emmanuel Maurel : Nous voulons d'abord mettre en garde contre la tentation du déni. Certains socialistes disent en effet que les européennes ne sont pas des élections importantes, alors qu'on y a réalisé notre pire score depuis la création du PS à Epinay (Seine-Saint-Denis). D'autres reconnaissent bien que c'est une double débâcle, mais leur seule réponse, c'est « continuons la même politique ». Nous en appelons à une réorientation générale, pas seulement à une inflexion. Nous voulons aussi que le PS soit plus activement associé à l'élaboration des politiques publiques et redevienne le coeur battant de toute la gauche.

La défaite des européennes n'est donc pour vous qu'une sanction de François Hollande ?

Il y a eu une sanction des politiques menées par les conservateurs en Europe depuis dix ans, mais il est évident qu'il y a eu aussi une sanction de la politique gouvernementale. Les Français sont déçus et parfois en colère par rapport à ce qu'on avait promis lors de la présidentielle en 2012. On ne l'a pas suffisamment noté, mais les électeurs de gauche ne se sont pas seulement abstenus, dans certaines régions, ils ont directement voté pour le Front national.

François Hollande a-t-il pris la mesure de cette colère ?

Je l'espère, parce qu'il n'est pas trop tard ! Mais si la seule réponse à cette double dégelée est « dorénavant, c'est comme avant », alors nous allons au-devant de grandes déconvenues. Nous n'avons pas été battus uniquement parce que nos concitoyens ne voient pas venir de résultats en matière de chômage et de pouvoir d'achat. Une partie de notre base sociale est aussi en désaccord avec le cap que nous lui proposons.

Le pacte de responsabilité n'est pas une bonne solution ?

Sa logique même est contestable : baisser massivement le coût du travail et financer cette baisse par des coupes dans les dépenses publiques présente un risque récessif énorme dans un contexte de croissance atone et menace de fragiliser notre modèle social. Je continue de penser que la relance par la consommation et par les investissements est une réponse pragmatique aux difficultés que rencontre le pays.

4438190_6_31fa_emmanuel-maurel-vice-president-ps-du_1cd99c9.jpg« NOMMER VALLS, UNE CURIEUSE RÉPONSE »

Les premiers pas de Manuel Valls à Matignon répondent-ils à vos inquiétudes ?

Au moment de sa nomination, j'avais dit que c'était une curieuse réponse au message envoyé par les électeurs aux municipales, assortie en plus d'un rétrécissement alarmant de la majorité. Manuel Valls est premier ministre, on fait avec. Pour l'instant, il se contente de dire qu'il applique la feuille de route du président. J'aimerais qu'il prenne en compte les inquiétudes de sa majorité. Il a suffisamment exercé sa liberté de ton et de propositions dans le passé pour ne pas la contester à d'autres aujourd'hui.

Y a-t-il un problème Hollande ?

Il y a un problème institutionnel. Le PS a toujours eu une lecture très critique de la Ve République, dénonçant le risque de la personnalisation du pouvoir, la marginalisation du Parlement, l'insuffisante démocratie participative. Contrairement à la droite, la gauche ne croit pas au culte du chef et ne considère pas que tout doit procéder d'un seul homme, fût-il exceptionnel. Ces critiques, nous les avons oubliées et François Hollande s'est lové dans les institutions comme ses prédécesseurs. Le désarroi actuel vient aussi de cela. Il est urgent de se désintoxiquer de la Ve !

La réponse à ce désarroi passe-t-elle par une primaire pour choisir le candidat PS en 2017 ?

Procédons par étapes. La première urgence est de réorienter la politique gouvernementale et de rassembler une gauche morcelée et sans horizon. Il y aura ensuite un congrès du PS, je l'espère le plus tôt possible, pour que les militants se prononcent sur nos orientations et notre stratégie. Quant à la primaire, on s'est doté de règles claires qui passent par le choix de notre candidat à la présidentielle par nos sympathisants. Ces règles ne sont remises en cause par personne. Oui, il faudra une primaire en 2016. Il serait tout de même curieux que ce que nous avons jugé formidable et démocratique en 2011 ne le soit plus cinq ans après.

M. Hollande sera-t-il votre candidat naturel en cas de primaire ?

Encore une fois, tout cela est encore loin ! Mais qui dit primaire dit plusieurs choix possibles. Le soutien à une candidature, fût-t-elle de François Hollande, n'est pas automatique.

« DOUTE OU COLÈRE SUR LES NOMINATIONS »

L'Elysée vient de procéder à plusieurs nominations qui font débat. Les noms retenus vous dérangent-ils ?

Rien n'est plus politique qu'une nomination. Or, coup sur coup, trois d'entre elles soulèvent à gauche doute ou colère. Il y a d'abord eu celle de Jean-Pierre Jouyet, ancien ministre de Sarkozy, comme secrétaire général de l'Elysée. Puis celle de Laurence Boone [comme conseillère économique], banquière connue pour ses opinions libérales, pour remplacer Emmanuel Macron, lui-même déjà banquier libéral. Et ultime provocation, la proposition de Jacques Toubon, incarnation du vieil Etat RPR, comme Défenseur des droits. Comment empêcher que certains socialistes y voient une forme de bras d'honneur ?

Vous prônez une recomposition de la gauche. Comment peut-elle s'opérer ?

Parce que nous souhaitons tous la réussite du quinquennat, nous pensons qu'il faut rassembler tous ceux qui ont contribué à la victoire de François Hollande en 2012. Pour cela, il faut proposer un nouveau pacte majoritaire aux écologistes et aux communistes. Mais ce pacte ne peut naître qu'après un débat sur le fond et sur la base d'une nouvelle orientation. Je suis optimiste, tout peut encore bouger, mais à condition d'écouter et de changer. Le président est paraît-il quelqu'un de pragmatique. Il a l'occasion de le prouver, en renouant avec cette belle ambition de sa campagne, celle du rêve français.

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