Libération - Lilian Allemagna - 28 mars 2013
Tensions . Le patron des socialistes a été, mardi soir, vivement attaqué en interne sur la politique du parti.
Coup de chaud sur Harlem Désir. Un député pour qui le président de la République se comporte en «conseiller général de canton». Une aile gauche remuante. Et son ancien challenger, Jean-Christophe Cambadélis, qui demande publiquement l’arrêt des «ateliers du changement» à peine de lancés… Les prémices d’une contestation ?
Mardi soir, salle Marie-Thérèse-Eyquem au siège du PS, le patron du parti débarque au bureau national prêt à défendre le navire gouvernemental «attaqué de toute part». Pas de ministres invités cette fois : «Il nous a dit qu’il fallait se serrer les coudes, de faire "pack", rapporte un participant. Mais, résultat, tout le monde y ait allé de sa petite musique.» Et de ses critiques…
Tempête du week-end
Après l’introduction de Désir et une intervention de la députée Karine Berger sur la situation économique, «le débat s’est transformé en ce que doit être le rôle du parti», raconte Emmanuel Maurel, un des chefs de file de l’aile gauche. Après la forte tempête du week-end entre socialistes et Jean-Luc Mélenchon, les proches du ministre Benoît Hamon s’interrogent sur la stratégie d’union à gauche. Puis le député de Paris Pascal Cherki réédite sa sortie publique sur un Hollande qui doit «changer de braquet». «Ce qui est attendu aujourd’hui d’un député qui doit son élection au PS et qui a été élu dans la foulée de François Hollande, c’est d’être mobilisé derrière le président de la République», le coupe Désir. «Cherki s’est fait remonté les bretelles», confirme une parlementaire. Mais la contestation continue.
Maurel en appelle à un «tournant de la relance». Gérard Filoche, son camarade de motion, enchaîne : «Nous sommes assis dans un TGV, à nos places réservées, il y a de la lumière, nous avons nos ordinateurs, nous roulons à 300 à l’heure et nous allons tout droit dans le mur !» La sénatrice Marie-Noëlle Lienemann poursuit sur le même registre. Mais Désir, soucieux de faire voter son communiqué final, s’agace de la longueur des interventions : «Pour un courant qui ne pèse que 13%, vous parlez plus que ce que vous représentez», leur lance-t-il. «Jamais Hollande ou Aubry n’ont fait de leçons aux minoritaires», s’agace Maurel. «C’était une formule maladroite», en convient un des soutiens de Désir.
"Jamais Hollande ou Aubry n'ont fait de leçons aux minoritaires." - Emmanuel Maurel, hier
Le dernier missile est l’œuvre de Cambadélis : «Il nous faut […] une vigoureuse campagne sur le nouveau cap français. Combattre le pessimisme militant. Et moins offrir des lieux d’introspection que de plaider pour le sens de notre action.» Des soutiens du premier secrétaire montent alors au créneau pour «recadrer» l’aile gauche. «Il faut arrêter d’être dans l’autoflagellation», clame le député Laurent Grandguillaume. «Harlem s’agace trop, observe une parlementaire. Il se sent contesté alors que ce n’est pas le cas. On n’a rien a craindre d’une expression alternative. Il doit être plus zen.» «Il commence à comprendre que dans une situation de tensions et de doutes, il n’a pas intérêt à verrouiller, poursuit un dirigeant. Sinon il n’aura pas plus d’autorité et va avoir un bordel sans nom.»
«Faute imprévue»
Surtout qu’à l’extérieur, on le cartonne. Le président des radicaux de gauche, Jean-Michel Baylet, s’est permis de lui demander de «mett[re] ses troupes en ordre de bataille». Et sur son blog, Mélenchon l’a remercié de cette «faute imprévue», celle de la «dénonciation d’un antisémitisme dans [sa] critique de la finance internationale», samedi soir. Cela a permis, écrit-il, de «toucher de plus près l’état de décomposition du […] PS». Un ministre plaide pour la patience : «Sous Sarkozy, Copé a mis deux ans pour trouver son style.» Sauf qu’avant lui, deux chefs de l’UMP avaient essuyé les plâtres…