Publié le 20-12-2013 à 06h59 - Mis à jour à 10h25 - Audrey Salor
Trois parlementaires socialistes ont dévoilé leurs propositions, articulées autour d'un "grand impôt progressif" issu de la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG.
"On n'est pas dans l'infaillibilité pontificale. La France est encore une République parlementaire !", argue la sénatrice de Paris Marie-Noëlle Lienemann. Si les plus à gauche des socialistes se sont réjouis de l'annonce, voilà plus d'un mois, d'une grande réforme fiscale à venir, ils entendent bien ne pas se contenter de paroles et peser sur son élaboration. Réputée pour son franc-parler, l'élue a présenté mardi 17 décembre ses propositions en vue de la désormais fameuse "remise à plat de la fiscalité". Le document qui les répertorie, destiné à François Hollande, Jean-Marc Ayrault et à l'ensemble des parlementaires socialistes, est co-signé par le député Jérôme Guedj et le leader de l'aile gauche du PS Emmanuel Maurel.
Défi technique
Au cœur de leurs revendications, "une fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG pour avoir enfin ce grand impôt progressif que nous souhaitons tous et que d'autres pays ont déjà". Repris par François Hollande dans ses 60 propositions, cette mesure génératrice de justice fiscale semble en effet un point incontournable d'une véritable réforme d'ampleur. Mais elle est loin d'être faite. Prélèvement à la source, suppression du quotient conjugal, nettoyage de toutes les niches qui mittent l'impôt sur le revenu... la fusion s'avère un véritable défi technique pour Bercy. Elle est aussi explosive politiquement, car elle implique de baisser les impôts de certaines catégories modestes, en prélevant à d'autres catégories modestes. De plus, la création d'un impôt unique remettrait en cause la sanctuarisation du financement de la sécurité sociale - auquel participe la CSG aujourd'hui - ce qui inquiète les syndicats. A propos de cette option, Jean-Marc Ayrault est, lui, resté évasif, précisant seulement que la question ferait "partie du débat".
Autre axe avancé par les auteurs du document : "favoriser l'investissement et l'emploi au détriment de la rente". Et en premier lieu la rente immobilière, "qui a explosé depuis 30 ans en France" et dont la fiscalité n'est "absolument pas adaptée", a déploré Marie-Noëlle Lienemann. Enfin, le petit groupe préconise de "rebâtir complètement l'impôt sur les sociétés", pour laisser place à un impôt qui pèserait sur l'excédent net d'exploitation".
"Tout ce qui a été fait depuis 2012 est sanctuarisé"
Surtout, il ne faut pas que la réforme "fasse pschitt", selon les mots de Guedj. Outre l'épineuse question de la fusion entre impôt sur le revenu et CSG, son ambition semble se réduire comme peau de chagrin à chaque sortie de l'exécutif. Vendredi dernier, en visite au Brésil, François Hollande a prévenu : pas touche aux acquis ! "Tout ce qui a été fait depuis 2012 est sanctuarisé. On ne vas pas défaire ou refaire tout ce qu'on a fait", a-t-il mis en garde, selon Le Parisien.
Le calendrier de la réforme n'est pas plus clair. Là aussi, les contradictions entre Ayrault et Hollande se multiplient. "2015", avait d’abord annoncé le Premier ministre. "Le temps du quinquennat", le contredisait le président dès le lendemain. "Il faudra deux quinquennats, dix ans" pour la réforme de la fiscalité des collectivités locales, estime aujourd'hui le Premier ministre.Une stratégie pour mieux "enterrer" la réforme, soupirait Marie-Noëlle Lienemann, quelques jours avant la présentation de ces propositions. Pour couper court aux critiques, Jean-Marc Ayrault a livré quelques précisions au Monde ce jeudi soir. "Nous ouvrons un chantier de plusieurs mois de travail, qui débouchera sur des propositions à l'été 2014. Le gouvernement fera ses premiers choix, qu'il mettra dans la loi de finances pour 2015. On ne fera pas tout d'un coup, la réforme se poursuivra jusqu'à la fin du quinquennat."
Audrey Salor et Donald Hebert - Le Nouvel Observateur