Il faut en premier lieu un accord contraignant. D’abord parce que c’est nécessaire pour que chacun soit obligé d’agir, ensuite parce que les signataires du protocole de Kyoto sont loin d’avoir tenu tous leurs engagements, enfin parce que si nous voulons imposer des normes environnementales (et sociales), il faut une base juridique de type traité international. Sans cette remise en cause du libre échange généralisé qui génère tant de mouvements de biens, inutiles et polluants, nous ne réduirons pas sérieusement les objectifs. De surcroît, certains pays pourront se targuer d’avoir réduit leur pollution par simples délocalisation de l’industrie !!
On doit aussi mettre en place un niveau élevé de réduction pour les pays les plus développés, une stabilisation puis une réduction à terme pour les pays émergents, des marges de manœuvres pour les moins riches. Il faut impérativement parvenir à stopper la croissance des émissions mondiales de gaz à effet de serre d’ici à 2015 avant de les faire décroître. C’est la seule voie pour limiter le réchauffement des températures bien en-dessous de 2°C, seuil au-delà duquel la capacité à s’adapter de nos sociétés et des écosystèmes est menacée. Pour ce faire, les pays industrialisés, dont la France, doivent s’engager collectivement à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40% d’ici à 2020 par rapport à 1990. L’Union européenne doit être offensive et s’engager dans cette voie en annonçant qu’unilatéralement, elle réduira ses émissions dés à présent d’au moins 30% par rapport à 1990 et s’alignera sur les 40% en cas d’accord. C’est aller au-delà de l’actuel plan climat énergie qui les fixe à -20% pour 2020. Enfin il faudra, pour ces pays développés, réduire ces émissions d’au moins 40 à 50% pour 2030 et de 90% pour 2050. C’est la seule façon de « dé-carboner » nos économies et d’engager l’indispensable révolution verte tant dans les technologies, que dans les modes de consommations, d’aménagement et de développement.
Dégager les moyens d’accompagner les pays en voie de développement et financer l’adaptation au changement climatique coûte 100 Milliards par an. Pour mobiliser ces sommes il convient de créer de nouvelles ressources mondiales : soit une taxe sur les mouvements financiers, soit une taxe carbone universelle. Pour ma part, je privilégie cette dernière qui pourrait commencer par une taxation sur le transport international des marchandises, car cette mesure favoriserait une relocalisation des productions et jouerait en faveur de la souveraineté alimentaire. La taxe Tobin sur les mouvements de capitaux serait utile pour d’autres objectifs.
Une nouvelle régulation mondiale doit permettre de réduire notre production de gaz à effets de serre. Le système des marchés de permis d’émission est inefficace du point de vue environnemental et comme tout marché favorise les plus forts. Ainsi les marchés de développement propre ont bénéficié essentiellement à la Chine et absolument pas à l’Afrique. En Europe, le prix de la tonne carbone est faible et ne joue pas son rôle d’incitation aux économies d’énergie. La visibilité du rendement des investissements nécessaires est faible, du coup chaque entreprise est loin de faire les efforts maximaux possibles ! Mieux vaut la taxe sur le bilan global carbone universel (ce qui n’a rien à voir avec la contribution de Sarkozy !!! justement) ainsi que des normes qui doivent s’imposer sur les règles de l’OMC. Enfin, il est impératif de tendre à une nouvelle organisation de la « gouvernance » mondiale, en créant une Organisation mondiale de l’environnement dépendant de l’ONU et en réintégrant l’OMC dans l’ONU avec une claire hiérarchie des normes : l’environnement et le social, l’humain doivent conditionner toute concurrence et le commerce.
Une révolution verte, oui. Un capitalisme vert, non !
Marie-Noëlle Lienemann