La France attend un message d’espoir. Elle aspire à d’autres perspectives que celles diffusées par une pensée dominante avide de fatalisme et de résignation.
Le discours sur un prétendu déclin de la société française, justifiant toutes les régressions sociales, est devenu la norme. Le clivage entre le conservatisme et le progrès est escamoté
derrière des politiques, des mesures profondément réactionnaires que l’on appelle, par antiphrase, « réformes ». Le libéralisme économique atteint de nouvelles limites tout en
maintenant son hégémonie.
Dans cette situation il appartient aux socialistes de rompre avec ces orientations, de préparer l’avenir en réconciliant le pays avec le progrès.
Seule une gauche résolue et déterminée peut remettre la justice sociale au coeur de l’action politique, dépasser le modèle exclusif du libre-échange sans précaution et redonner du sens au
clivage gauche/droite.
Forger les idées et les outils de ces reconquêtes tel est bien l’enjeu du prochain Congrès du Parti Socialiste.
La convergence et la coïncidence de quatre crises mondiales majeures (financière, alimentaire, énergétique, écologique) bouleversent les principes sur lesquels les sociétés occidentales
fondaient leur prospérité et leur développement. La mondialisation libérale, telle qu’elle a été imposée depuis les années 1980, s’essouffle. Son modèle économique montre des limites sérieuses
quant à sa capacité à répondre, non seulement à la réalité sociale, mais aussi aux nécessités de développement à l’échelle mondiale.
Nous assistons à un renversement de cycle et entrons dans le deuxième âge de la globalisation.
Alors que la droite, aveuglée par son idéologie, continue de démanteler la puissance publique, nous devons proposer, avec l’ensemble de la gauche, un Etat régulateur et innovateur comme réponse
à l’urgence sociale, économique et écologique.
Le choc des défaites.
Depuis juin 2006, la social-démocratie européenne a enregistré 13 défaites lors des 15 derniers scrutins nationaux et connait une crise générale qui nous oblige à un inventaire serein des
erreurs stratégiques et politiques accumulées depuis plus de 10 ans. Dans la plupart des pays de l’Union la gauche a prospéré, dans le sillage des victoires britanniques et allemandes, sur la
base d’un programme, d’une offre politique de type « social-libéral ». Pourtant cette orientation ne lui a pas permis de conserver le pouvoir dans les années 2000 et c’est,
paradoxalement, au moment où monte le mécontentement contre l’ultralibéralisme qu’elle connaît les pires difficultés. De ce point de vue, la situation de la gauche française n’est pas
particulièrement originale. Lorsqu’elle reprend à son compte le modèle social-libéral élaboré par ses voisins, à leur instar, elle échoue ; mais là où elle fait campagne sur ses principes
et ses valeurs, en portant un programme de gauche- comme aux législatives de 1997 ou aux européennes de 2004 – elle renoue avec les succès. Si la modernité se définit par la rupture avec les
cadres conservateurs de pensée, la socialdémocratie européenne doit rapidement abandonner une orientation qui lui a soustrait une part importante du vote ouvrier et populaire, réduit le poids
total de la gauche et l’éloigne durablement des responsabilités.
Le monde a changé.
L’avenir de la gauche française ne peut pas consister à mimer le « New Labour » ou le SPD des années 90, l’avenir du PS ne peut pas être le passé de la social-démocratie européenne.
L’efficacité électorale commande de renouer avec les classes populaires plutôt que de confier notre sort politique à l’air du temps.
Parmi les poncifs abondamment diffusés par la pensée dominante, l’idée que le progrès n’est concevable qu’en contrepartie de sacrifices imposés aux salariés, occupe une place de choix. Sans
nier la nécessité de l’effort collectif, la gauche ne peut plus se contenter, au nom d’une prétendue "responsabilité", de rejoindre la droite sur la finalité et le contenu des réformes
structurelles. Sur des sujets aussi lourds que la politique salariale, les retraites, la fiscalité, etc., nous nous opposons aux conservateurs sur des orientations de fond, pas uniquement sur
des questions de dosage ou d’agenda.
Nous pouvons et nous devons lever un nouvel espoir, réhabiliter la volonté en politique. Dans un contexte certes différent, un tel processus s’est d’ores et déjà engagé en Amérique. Le
quarantième anniversaire de 1968 nous permet de célébrer un grand mouvement social de conquêtes. Il est temps que la gauche retrouve cet esprit, pour inventer de nouveaux droits et élargir
l’espace de nos libertés, et non plus se contenter, dans le meilleur des cas, d’organiser la résistance aux attaques de la droite. Cette voie est plus exigeante, mais oh combien plus
enthousiasmante, que la confortable adaptation aux exigences de la pensée unique qui nous mène à d’inévitables déconvenues.
Les marges de manoeuvre nécessaires à un tel changement de cap existent, en dépit d’une situation difficile et complexe. L’intelligence, l’initiative, l’engagement ne manquent pas Ils sont
présents dans le mouvement social, dans les universités, dans la jeunesse, dans le monde économique ou culturel.
Changer notre offre politique.
Nous n’avons plus gagné d’élection présidentielle depuis 20 ans, ni de législative depuis 11 ans. Nous avons le devoir de regarder cette réalité en face et d’en accepter les conséquences.
Parce que les mêmes orientations portées par les mêmes responsables n’ont pas plus de chance de faire gagner les socialistes demain qu’hier, il faut renouveler les équipes et redéfinir nos axes
programmatiques. La gauche est immobile parce qu’elle s’incarne dans les mêmes comportements, les mêmes réflexes, les mêmes mots et parfois le même cynisme depuis 20 ans.
Abandonnons nos mauvaises habitudes, en commençant par éviter que notre prochain congrès soit un nouveau congrès de Rennes. Pour cela nous devons collectivement nous engager à rejeter la
tentation d’un affrontement de personnalités qui serait déconnecté du débat de fond. Nous voulons pour notre parti un congrès qui pose les vrais enjeux et permette les clarifications
nécessaires. Nous ne pouvons pas nous permettre le luxe de laisser des écuries présidentielles déchirer le Parti Socialiste. Nous le savons tous, ce type d’affrontement fait peser une menace
lourde sur l’avenir du PS, son intégrité, son image dans la population et son existence même. Un congrès n’est pas un casting ! En disant cela, nous ne nions pas la nécessité de nous doter
d’un chef de file. Mais le moment de son choix n’est pas anodin : débattons d’abord, nous choisirons ensuite qui est le mieux à même de porter nos convictions.
Le congrès du PS doit être le congrès de l’anticipation et de la relance.
L’élection de Nicolas Sarkozy est l’aboutissement de la défaite culturelle de la gauche, résultat des batailles que nous n’avons pas, ou insuffisamment, menées.
Les Socialistes doivent tourner cette page !
Ils doivent définir une politique qui remette le progrès au service de l’humanité.
Notre première responsabilité est d’imaginer la France d’après Sarkozy. Une France à reconstruire, un progrès social et des libertés à reconquérir ; et cela dans un contexte où il est à
redouter que les inégalités, et leur cortège de violences, auront augmenté alors que les instruments de régulation, d’intervention et de redistribution, nationaux et continentaux auront, eux,
été réduits par la droite à une peau de chagrin.
La modernité, c’est anticiper, préparer le post-libéralisme et construire la gauche du XXIe siècle qui saura remettre la justice sociale au coeur de l’action politique.
Pas de faux débats.
Pour que le congrès de Reims réponde aux attentes qu’il doit susciter, notre premier devoir est d’écarter un certain nombre de faux débats dans lesquels on souhaiterait nous enfermer. C’est ce
que nous avons fait en adoptant une nouvelle déclaration de principes qui peut être considérée comme une « carte d’identité » du Parti socialiste, un socle commun sur la base duquel
nous devons réfléchir à l’avenir que nous voulons bâtir.
Premier faux débat. On voudrait nous faire croire que s’opposent, au Parti socialiste, partisans et adversaires de l’économie de marché que nous avons tous acceptée depuis longtemps. Pas de
collectivistes chez les socialistes mais des partisans d’une « économie sociale et écologique de marché régulée ». Pour nous, la question n’est pas celle de l’acceptation ou non d’un
système, mais celle des réponses politiques proposées pour le réguler et redistribuer les richesses. C’est pourquoi nous entendons laisser en dehors de la sphère marchande un certain nombre
d’activités correspondant à des droits fondamentaux.
Deuxième faux débat. Les clivages opposeraient les « modernes » aux « archaïques ». Comme si la modernité se résumait à la soumission docile aux modèles dominants imposés
par ceux qui en bénéficient et l’archaïsme s’incarnait dans l’espoir d’une réduction des inégalités. La modernité ne peut être entendue comme l’acceptation d’un libéralisme aujourd’hui dépassé.
Troisième faux débat. Les socialistes se diviseraient entre « audacieux » - ceux qui voudraient « lever les tabous » - et « timides » - ceux qui voudraient
« occulter certains problèmes ». Nous devons être en capacité d’aborder collectivement l’ensemble des débats. Pour autant cela ne peut signifier qu’il y aurait un courage politique
particulier à parler de sujets relevant traditionnellement du champ lexical de la droite !
Quatrième faux débat. Les divergences qui existent entre nous opposeraient individualistes et collectivistes. Pour nous, c’est autour d’un projet collectif que s’articule le combat pour les
libertés individuelles qui ne peuvent jamais être déconnectées des questions sociales, sans prendre le risque de les voir confisquées par quelques privilégiés. Alors que les conservateurs
veulent démanteler le droit du travail afin, justement, de ramener les rapports sociaux à de simples relations individuelles, nous devons combattre avec la même ténacité pour toutes les
libertés et tous les droits, qu’ils soient individuels ou collectifs.
Dans un contexte de confusion idéologique, prétexte à tous les faux débats entre socialistes, il est important de rappeler nos finalités politiques.